Lasse Marhaug & Maja Ratkje à l’Ancienne Belgique (Club) , Bruxelles, le 20 janvier 2011 (FR)

Dans le cadre du Festival Norway Now, inauguré en novembre 2010 par Jonas Gahr Støre, le Ministre des affaires étrangères norvégien, un concert de noise improv music, featuring deux des artistes les plus recommandables dans le genre; Lasse Marhaug et Maja Ratkje.

Tu te pointes dans le club à 19:45′, t’es tout seul dans la salle si tu supprimes le préposé au bar, un gars du service d’ordre et un deejay assoupi au balcon.

Sur la scène: deux plans de travail sur lesquels gisent quelques vinyles, une platine, un laptop et autres electronic devices, sans oublier un jeu de clochettes multicolores reçues en achetant 46 lots de mini Babybel.

20h15′: le premier set va débuter, tu as dénombré 26 égarés lorsque Lasse Marhaug, un inquiétant scientifique, chauve et barbu, se pointe, avec un laptop comme bagage.

Ce savant fou a contribué à la réalisation de plus de 200 albums d’electronic explorations: en solo, ou à la tête de groupes obscurs ( Jazzkamer- Nash Kontrol…), il traîne un passé d’extreme metal (Enslaved e.a.) et ne renie pas les aventures jazz ( Ken Vandermark’s Territory Band..).

Tu y ajoutes quelques incursions dans le milieu théâtral ou chorégraphique, la confection de homemade electronics et la création d’un label de disques et tu pourras, plus ou moins, situer le personnage.

La séance d’improvisation domptée peut débuter: Lasse lance un soundscape futuriste tout en triturant manettes, boutons, câbles et en actionnant un pick-up grattant un vieux 45 tours nordique.

Vrombissements de moteurs malades, grondements de cratères d’impact , style Nes Garnas, sur fond electro astral…. Jules Verne eût apprécié.

L’odyssée sonore se poursuit, where stars collide…

Le Dr Mabuse tire, vigoureusement, sur un fil issu des entrailles de la machine qui hurle de douleur.

Le sadique accélère et amplifie le mouvement, pousse les graves au maximum, le plancher vibre et tes mollets flageolent. Ce dangereux et fêlé chirurgien poursuit la séance torture des robots, tu revois Metropolis de Fritz et tu sens que la machine va se rebiffer ou exploser, la tension atteint un summum.

Que fait le médecin, il refile une volée de baffes à la bête, ouvre toutes les vannes: résultat un foutoir noisy du tonnerre.

Steve Reich c’est Chantal Goya, le roi de la comptine enfantine, comparé à ce Marhaug.

En route pour l’abattoir. C’est horrible, un voisin parle de téléphoner à Gaia pour mettre fin à ces actes barbares de maltraitance électronique, pires que l’égorgeage à vif des moutons lors de la fête du sacrifice.

Le supplice aura duré trente minutes, les fidèles sont ravis, le bourreau va se doucher avant de vendre sa marchandise.

Je recommande pas aux âmes sensibles, mais si t’en as dans le slip, va voir ce phénomène!

Maja Ratkje

Tu devises paisiblement avec les membres du groupe Nô, t’avais pas remarqué que la native de Trondheim avait pris place derrière ses jouets.

Cette vocaliste aventureuse étale, également, un palmarès pas banal: cinq albums solo, dont ‘Voice’ utilisant P1050971.JPGuniquement la voix comme instrument musical – plusieurs CD’s avec Spunk, un groupe d’improv music, d’autres avec Fe-Mail ou Jazzkammer – quelques efforts avec Lasse Marhaug (Music for shopping- Music for gardening…) – music scores, décor sonore pour performances etc…

Un départ tout en douceur: un souffle murmuré, halètements, soupirs minimalistes sur fond de bruitages qui, insensiblement, deviennent hystériques.

Finie l’humble mélopée, direction la Pièce 101, chère à Orwell. Tu vas tout avouer: l’assassinat de Kennedy, le vol d’un mars à la superette du coin en 1964, le viol du chat du curé…

Du trip hop haché, décoré de vocaux gothiques, transformés par un mégaphone/broyeur miniature armé d’un rayon laser .

Alerte rouge, toutes les sirènes en action: quittez le navire…

Maja, une abeille énervée, s’excite et manipule tout ce qui traîne sur la table.

T’as droit à un fourmillement de sons saturés ou stridents, elle reprend sa séquence expirations/inspirations avec en arrière-plan quelques bruissements aquatiques et les humeurs d’une grenouille souffrant de diarrhée.

Après avoir tiré la chasse, l’idée nous traverse d’aller écarteler une chauve-souris, tout en marmonnant un requiem gothique du meilleur effet.

Public en transe, le commandant Cousteau rapplique en cachette.

Très physique l’electro de Miss Ratkje!

Le truc vire au carnage, un final apocalyptique, heureusement, une note d’espoir subsiste, une voix enfantine sort du néant, Maja nous offre un concertino de clochettes sur fond de lignes d’harmonica kindergarten.

Ce trip intense aura pris 40′.

Lasse Marhaug et Maja Ratkje en duo

Une entrée printanière, une trille de rossignol, un glockenspiel samplé, un moulin à café musical multicolore de chez Ikea: un Ici Bla-Bla scandinave ?

Jeux vocaux, scratching hip hop, un musical tyrolien:extravagant collage Tristan Tzara.

Maja a une drôle de manière de se brosser les dents, elle a arraché un truc de sa panoplie électro et le mâchonne pour, ensuite, se lancer dans une acrobatique gymnastique vocale.

P1050972.JPGLe barbu n’est pas en reste, prestement il manie son artillerie de manettes pour en sortir du Einstürzende Neubauten electro-indus.

Un petit chant luthérien peut-être?

Je l’accompagne à l’harmonica, Lasse, si tu n’y vois aucun inconvénient?

Je t’en prie, j’ai du piano désaccordé sur mon échantillonneur.

Les I Muvrini nordiques se figent dans la glace, une tempête est annoncée sur la banquise.

La glace se fend, fracas quintuplé en chambre d’écho: j’aurais dû consulter mon horoscope, il prévoyait la fin du monde.

Merde, j’allais gagné à Euro millions!

Le tourne-disques doit subir les pires outrages pendant que la cantatrice raconte sa vie dans un chant mongol.

Sont inspirés ces deux-là!

Je te l’ai dit: tu veux du différent, de l’expérimental impressionnant, tu assistes à une de leurs performances, en laissant chez toi ta belle-mère mélomane, ne jurant que par André Rieu, elle gardera les gosses !

Par Michel – Publié dans, Le Blog des critiques de concerts

Scroll to Top